Une coulée lente de sons en décomposition, comme si un esprit mal cousu, rongé par les champignons et les regrets, avait tenté de reconstituer la musique avec des lambeaux d’organes, des morceaux de rêves ratés, des fils de bave, des nerfs arrachés à même le silence moisi d’un monde qui a depuis longtemps oublié pourquoi il tournait encore — Cave Dweller est un cri qui ne sort jamais, une respiration bloquée dans le larynx d’un dormeur éternel, un objet sonore aussi malade que le gouffre d’où il provient.
Tout y claque, mais rien ne tranche ; tout y vibre, mais comme une mouche engluée dans une toile trempée ; les claviers, tordus, fatigués, avançant comme des insectes blessés dans un corridor d’ombre — bancals, désaccordés, possédés par une logique de folie douce —, traînent leur mélodie à travers des cavernes qui respirent, des cachots dégoulinants de chair molle, des châteaux effondrés habités par des batraciens morts au cerveau trop grand et aux membres flasques, qui regardent en silence depuis les flaques de glaise où le ciel est toujours noir et le temps toujours en retard.
C’est de l’ambient, oui, mais seulement si vous acceptez que l’ambient puisse être faite de soupirs de fous, de lamentations diluées, de brouillards imbibés d’humeurs anciennes ; c’est du dungeon synth, peut-être, mais pour un donjon qui n’existe que dans l’esprit de quelque entité stérile, repliée sur elle-même depuis mille éternités, rêvant d’un monde où rien ne remue plus ; c’est surtout une œuvre née d’un effondrement intérieur, d’un désespoir bricolé, enregistré entre deux orages mentaux, sur du matériel trop usé pour produire autre chose que l’écho flou d’une vérité interdite.
Et puis, quand tout semble s’apaiser — ce moment où l’on croit que les ténèbres se contenteront de chuchoter —, le bruit revient : brutal, insolent, illogique, un harsh noise en cascade, comme une inondation d’aiguilles, de verre pilé, de voix saturées d’agonie, comme si la réalité elle-même refusait soudain d’être tenue en cage.
Cave Dweller est une expérience, un piège, une relique sonore laissée par un esprit hanté dans un corridor trop étroit, trop humide, trop vivant.
Et si vous l’écoutez seul, les oreilles pleines de nuit, vous entendrez peut-être ce qui vit encore, là-dessous.
Ce qui n’a jamais voulu partir.
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A slow seepage of decomposing sound, as if some poorly-stitched spirit, rotted by mildew and regret, had tried to reassemble music using scraps of organs, fragments of failed dreams, threads of spit, nerves torn directly from the moldy silence of a world long since forgotten why it kept turning — Cave Dweller is a scream that never quite escapes, a breath caught in the throat of an eternal sleeper, a sonic object as diseased as the abyss it crawled out from.
Everything clicks here, but nothing cuts; everything vibrates, but like a fly twitching in a wet web; the keyboards — twisted, exhausted, moving like wounded insects through corridors of shadow — stumble through breathing caverns, dribbling flesh-pits, crumbling castles inhabited by frog-things with swollen brains and limp limbs, watching silently from puddles of clay under a sky that’s always black and a time that’s always late.
It’s ambient, yes, but only if you accept that ambient can be made from the sighs of lunatics, from diluted lamentations and fogs soaked with ancient bodily humors; it might be dungeon synth, perhaps, but only for a dungeon that exists solely within the mind of some sterile entity curled in on itself for a thousand eternities, dreaming of a world where nothing stirs anymore; above all, it’s a work born of inner collapse, of despair turned into a kind of craft, recorded between mental storms on gear too worn to produce anything other than the blurry echo of some forbidden truth.
And then, just when it seems like the darkness might be content to whisper, the noise returns — brutal, insolent, senseless — a harsh deluge of needles, crushed glass, voices swollen with agony, as if reality itself suddenly refused to stay caged.
Cave Dweller is an experience, a trap, a sonic relic left by a haunted mind in a corridor too narrow, too wet, too alive.
And if you listen alone, with your ears full of night,
you might hear what still lives down there.
What never wanted to leave.