Benjamin Tassie – Bad Death Ghosts

Bad Death Ghosts (2022) est un sortilège sonore tissé pour un vieux clavecin désaccordé et une guitare lap steel spectrale. L’œuvre s’ancre dans un accordage microtonal oublié, issu du XVIe siècle : le système xenharmonique du clavier inférieur de l’archicembalo de Nicola Vicentino. Un clavier-fantôme de dix-neuf notes par octave, avec des touches fendues, des interstices secrets, des tons cachés entre les demi-tons.

Pour adapter ce labyrinthe ancien à un modeste épinette des années 1960, il a fallu étirer l’octave sur une quinte parfaite élargie, repliant le temps lui-même pour qu’un La du passé rejoigne un La du présent. À l’intérieur de ce champ magnétique d’harmoniques rares, les tierces résonnent avec une pureté limpide, les quintes vacillent, frémissent — comme si la musique respirait entre les battements.

La guitare, elle, ne joue que ses cordes à vide, accordées selon les harmoniques du clavecin : des Ré, La, un Mi, un Si dièse — étrangeté logique tirée des mathématiques de Vicentino. Aucun doigt sur le manche, juste des résonances naturelles, des échos d’un autre monde.

L’œuvre repose sur un seul accord, répété comme un cœur qui bat. Mais cet accord se métamorphose : des notes apparaissent, disparaissent, se déplacent. À travers ces infimes mutations, l’écoute se déploie dans un espace lentement tournoyant — une perception circulaire, suspendue, comme l’évoque la compositrice Catherine Lamb : « quelque chose qui tourne, qui n’est pas tout à fait linéaire. Quelque chose de plus total. On pourrait presque tourner autour. »

Enregistré à Sheffield, dans le silence du studio du compositeur, Bad Death Ghosts est un chant spectral : un effacement somptueux.

-SIR KULIKTAVIKT

Bad Death Ghosts (2022) is a sonic spell woven for a detuned spinet and a spectral lap steel guitar. The piece draws from a forgotten microtonal tuning system: the xenharmonic lower keyboard of Nicola Vicentino’s 16th-century archicembalo — a ghost-instrument with nineteen notes per octave, split keys, and hidden tones nestled between familiar semitones.

To adapt this ancient labyrinth to a modest spinet from the 1960s, the octave had to be stretched across a widened perfect fifth, bending time itself so that an old A returns to a new one. Within this magnetic field of rare harmonics, thirds shimmer with crystalline purity while fifths tremble and beat — as if music were breathing between pulses.

The guitar speaks only in open strings, tuned to the spinet’s harmony: Ds, As, an E, and a B-sharp — a strange logic rooted in Vicentino’s ratios. No frets, no fingers, just natural harmonics: echoes from another world.

The piece is built around a single, repeating chord — a heartbeat. But this chord shifts: notes are added, removed, revoiced. Through these subtle mutations, the listening space slowly unfolds into a circular perception — what composer Catherine Lamb calls “a feeling of something rotating. Something that is not quite linear. Something more total. You could be looking around it.”

Recorded in the composer’s Sheffield studio, Bad Death Ghosts is a spectral song — a sumptuous fading.

-SIR KULIKTAVIKT 

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